Vivant’-e-s

La nuit est noire

Elle est plus noire encore quand les seules lumières sont des missiles en feu

Il fait jour ici et la nuit est loin

Le jour se lève et des taches sombres tombent du ciel

Ce n’est pas l’effet des gouttes hallucinogènes

Mais le déluge soudain du réel

Le carnage

Les doigts de la main du peuple ne suffisent plus à compter les corps

Dans le désert

Ils sont retournés à la terre

Je les entends

Ils dansent encore dans leur transe

Jamais ils ne s’arrêteront

C’est une musique qui résonne jusque dans les tunnels d’en bas

Pour leur dire que le monde ne les oublie pas

Ils ont emporté la vie avec eux

Puissent-ils illuminer Gaza

Et pour une fois la faire danser un peu

Afin que la mort ne les emporte pas

Aujourd’hui les brigadiers de l’enfer

Demain nous frôleront-ils le dos ?

Le monde s’est refroidit d’un coup

L’effroi un coup de couteau planté dans la colonne

Sans prévenir

Chaque vertèbre s’est effondrée

Ils ont kidnappé des vieillards et des bébés

Des familles et des jeunes femmes

Et des jeunes hommes

Et des vieilles femmes

Et des vies pour quoi

Pour rien

Qui dansaient ou se reposaient dans le lit

La vie qui se reposait de la vie

Car il en faut de la force pour accueillir l’insoutenable

Les monstres qui entrent dans les maisons

Sans frapper

Pour arracher les draps et les corps chauds enveloppés

Qui somnolaient sous les draps

Aujourd’hui ces draps qui enveloppent ces corps

Mais le sommeil ne répare rien

Ni l’histoire

Ni la mémoire

À bout portant

Ils ont tiré sur un ambulancier

Et démembré une jeune femme en lui crachant dessus

La liberté

Les droits humains

Eux seuls les coupables

Eux seuls

Beaucoup de responsables

Imbéciles aux mains de sang

Mais eux seuls coupables de l’acte

Qu’ils ont commis avec leur main

Aucune excuse à la cruauté

Encore moins la vengeance

Aucune excuse

Et ceux qui les excuseront

Et même pire

Les applaudiront

Au nom du droit

Au nom de la liberté

Droit de quoi

Liberté de quoi

De tuer ?

L’antinomie

L’indécence

La honte

Ceux et celles qui jouiront de ces actes

« Que tu comprends ils en ont marre »

Je ne leur souhaite pas le même cauchemar

Leurs roquettes tombent sur des mosquées

Quelques centaines de kilomètres plus loin

Ils veulent atteindre des juifs

Mais atteignent des minarets

La bêtise dans leur haine

L’insulte pour les palestiniens

Que de parler des meurtres

En leur nom

L’insulte pour la Palestine

Et ceux qui y vivent

Et refusent ces actes

Ils sont nombreux

Mais on ne les entend pas

Muselés par le Hamas

Ils en ont marre oui

Des choses à dire ils en ont

Ils ne veulent pas ajouter de « r » aux mots

Mon soutien à ceux et celles qui défendent la vie

En Israël

Prêts à risquer la leur

Pour celle des autres

Qui en ont marre aussi

Mon soutien aux gazaouis

Bombardés et muselés

Impossible de réveiller les défunts

Mais assez de vivants assoupis

Puissent les vivants qui ont la chance de danser sans fin

Avoir du respect pour les morts

Et les disparus

Et les vivants

Et la vie

Pelures

Nous n’avons pas assez
Embrassé l’arbre
Et l’arbre s’est embrasé

Ce matin

Ils ont proclamé
L’autodafé du plus beau des ouvrages
La terre
De la plus belle des créations
La vie
Et sont partis en courant
Se cacher dans leur pièce calfeutrée
Riant de leurs actes téméraires
Trinquant tous ensemble
En posant leurs verres d’armagnac
Sur leurs tables basses :
Des extincteurs

Et dans le grand Nord alors
Ils ont enfermé des graines
Dans un bunker
Ils se sont appropriés la vie
Sans même la semer
Ils n’ont fait germer
Aucune graine
Se vantant de leur réussite
Puis ont vaporisé de glyphosate
Les terres fertiles
Du Massif central
Prétendant que ces terres fertiles
Et empoisonnées
Pourraient alors maintenir davantage
De corps en vie
Eux qui craignaient tant leur propre mort
Au point de s’approprier La vie
Et de l’enfermer
Dans un bunker
Sur les glaces stériles du Nord

Le monde déraille

Car c’est l’arbre qui a crée le livre
Ce n’est pas le livre
Qui a crée l’arbre
Ce n’est pas le mot
Qui a crée le monde
Ni la lettre
Qui a crée l’image

Le mot est une porte d’accès
Au monde
À la vie
Et l’arbre
Est la vie

Il n’a pas besoin de mots
Il n’a besoin
Que de vivre

Le livre n’est rien
Face à l’arbre
Le livre n’est rien
Sans l’arbre

Et nous pourrions écrire
Des ouvrages infinis
De mille pages encore
Concernant l’acte de destruction
De la vie sur Terre
S’incendier de colère
Dans la une des journaux
La seule réponse qui aurait du sens
Ne serait pas une page vierge
Vêtue de mots inflammables
Non
Mais une page vierge
Nue et en flammes
Symbole
De notre impuissance
Et de notre soutien
À l’arbre en feu

Et l’écorce

Voyageurs, voyageuses
En posant vos pieds
En lieu inconnu
Comme de tout être alors
Vous interrogerez le mot
De toute terre
Interrogez l’écho

Elle a beaucoup de choses à vous dire
Sur ses pelures
J’en suis sûre

Le désert étouffant
A envahi le pâturage
Dans les steppes mongoles

L’équilibre se met à tanguer
Tel l’homme ivre
Sur ses grande échasses
Qui ne les maîtrise plus

Voyageurs, voyageuses
Interrogez le désert
Interrogez le pâturage
Et l’échassier qui migre
Plus loin encore.
Interrogez les proies

Elles auront beaucoup de choses à vous dire
Sur le chasseur
J’en suis sûre

Voyagez encore
Et interrogez toujours
Et si vous n’avez pas la réponse
Interrogez encore
Poursuivez votre voyage

N’entoure plus le fruit

L’arbre s’est embrasé
Car nous ne l’avons pas assez
Embrassé

Faisons corps avec ses racines
Écoutons le chant de son feuillage
Débranchons pour accueillir
Les cris de ses branches
Dans nos bras
Dans nos cœurs

Avant qu’il ne s’enflamme,
Avant qu’il ne décide
Davantage encore
Écorcé vif
De nous embraser

Deuxième Jour

Je m’en irai chez vous au deuxième jour
Lorsque le monde aura repris sa spirale
Lorsque aucun corps ne pourra passer son tour.
Ces prochains jours, j’aurai encore les mains sales,
Jusqu’au dernier, chez moi, il ne fera plus jamais jour.

Je marcherai longuement, au troisième jour,
Droit devant, parcourant le chemin des anciens.
J’entendrai vos cris, m’empêchant d’être sourd,
À l’intérieur de vos cris, chaque mot, chaque dessein.
Je m’en irai chez vous, au levant, sans détour.

J’apercevrai cette frontière au quatrième jour,
Celle qui hante nos peuples et nos mères
D’une peur dont on ne peut dessiner les contours.
Des âmes flottent en prière sur cette terre
Rouge, sur laquelle il n’y aura aucun retour.

Vos regards me briseront, au cinquième jour,
Vos corps enfermés dans les murailles du passé,
Vos esprits éreintés, vos silences trop lourds.
Je m’en irai chez vous, vous qui me haïssez
Comme je vous aime, voulez-vous de mon amour ?

Au sixième jour, je graverai mon nom
Sur les pierres sans âge qui détiennent vos espoirs
 Sur celles qui aimeraient vous demander pardon
D’exister, pour détenir vos êtres dans le noir.
 Chatila la traîtresse, pour un peuple sans nom.

Au septième jour, nous admirerons nos visages,
En paix, nous recueillerons les mémoires
De nos peuples ennemis, trop vieux avant l’âge.
Un ciel lumineux nous créerons ce soir,
D’un siècle laminé, nous relirons chaque page.

Au premier jour, alors, nous questionnerons Dieu :
A-t-il déjà vécu une vie d’être humain ?
En ce dernier jour, je vous dirai adieu
Comme j’aimerais vous dire « à demain ».
Ailleurs ou ici, dans les failles des cieux.

Et je m’en irai chez moi, au deuxième jour,
Lorsque le monde aura repris sa spirale,
Lorsque mon corps ainsi, devra faire demi-tour,
Marchant, au couchant, sous une nuit sans étoiles,
Jusqu’au dernier, chez moi, il ne fera plus jamais jour.

Eritrea

« Je n’ai toujours pas éclairci les raisons pour lesquelles je me suis tant attaché à ce pays. Lorsqu’on me pose la question de savoir pourquoi j’en suis là, avec ces gens étranges venus de ce pays obscur, je réponds que je n’en sais rien. Comment le saurais-je ? Si encore il s’agissait d’un choix conscient, raisonné et tendu vers un but, peut-être ce livre n’existerait-il pas. L’Érythrée m’a envahi. Quand j’entends ses plaintes, je sens monter en moi un violent moment de lucidité, pareil à celui qui éclate parfois, le matin, dans la tête d’un toxicomane. Nous sommes quelques-uns à croire sincèrement que le sommeil ne sera plus paisible tant que les Érythréens n’auront pas été libérés. The rest is silence. »

Leonard Vincent, Les Érythréens

De l’ampleur

Je me suis exilée de moi
À moi-même
Basculant d’un état
À un autre
Et à encore un autre
Jusqu’à me demander
En quel lieu je me situais

Car ce monde est une balance
Qui n’atteint jamais l’équilibre
Que par le déséquilibre
Ce monde, c’est toi

C’est sur ce chemin de l’exil
Interminable
Que j’ai découvert les vastes ressources
Insoupçonnées de mon pays

Quitte-toi

Des bidonvilles aux cimes
Coins les plus insalubres
Aux plus lumineux
De moi-même
Imbriqués les uns
Dans les autres

Retrouve-toi

Sans cesse circulait le sang
Reliant la terre et le cosmos
Transportant déchets et cellules
D’une fluidité telle
Que je me sentais être le médium
La force du courant
La grâce du danseur
L’apaisement d’un oiseau

Tu es la route
Le mouvement
L’horizon
L’infini


L’exil ne se fait qu’à l’intérieur
De ta peau
Il n’y a aucune autre route
Que celle du soi, à soi

L’âme est une rencontre
Étrangère
Qui ne peut être découverte
Qu’en partant

Tu es l’attente
Tu es l’impatience
La curiosité
Tu es le feu

Tu as ta place en ce monde
Si tu as ta place
En toi-même
Si tu te laisses de l’espace
À l’intérieur
Pour respirer
Pour accueillir
Ton retour

Tu es la zone libre
Que seulement toi
Peux occuper

Ne t’étouffe pas de craintes
Pars de toi, à toi-même
Ne cherche pas autre point
Ne te cherche pas autre part

Tu es le mur de séparation
La ligne de démarcation
Tu es la frontière
Là ou les âmes
Se rencontrent

Je te souhaite de pouvoir compter
Sur toi-même

Tu es le camp
Où te réfugier

Car il n’y a rien de plus beau
Qu’être en soi

Bout du monde

Et si tous les réfugiés
Se retrouvaient au bout du monde ?

Sous l’abri-bus ils se réunissent
Rêvant de paysages paradisiaques
Et de contrées lointaines

Existe-t-il un bus pour un lieu plus sûr ?
Aucun plan, aucune carte pour indiquer
La direction d’un pays sans haine

Des milliards d’humains qui accourent aux frontières
Aidés par des âmes et des mains généreuses
Que dire de ceux qui en même temps coulent en mer
Parce que venant de nations jugées trop douteuses ?

Où en sont-ils, les enfants de l’Artsakh, les bébés du Yémen,
Que deviennent-elles les fillettes afghanes,
Les mères vénézuéliennes ?

Existe-t-il dans ce monde un bus
Avec le bout du monde pour terminus ?

La guerre est un échec invivable
De couleur noire pour le monde entier
Aucun réfugié ne devrait être plus admirable
Selon l’origine, aucun exil catégorisé

Tu peux resplendir

Chérir son incapacité
Son non-conformisme
Chérir sa faille
Sa différence
Cultiver ce jardin
Plein de légumes et d’arbres fruitiers
Qui semblent étranges au yeux du passant
Le chérir, l’arroser, chaque matin
Avec joie

Entretiens la différence de ton jardin
Sans vouloir que tes récoltes ressemblent
À celles d’à côté
Permets-lui d’être pleinement et de déployer
Toutes ses capacités à engendrer
Des créatures multi-formes
Des végétaux originaux
Des plantes rebelles

Je suis persuadée
Que les deux jardins
Pourtant si différents
Dans leurs apparences
Entremêleront les branches de leurs arbres
Au dessus de la clôture
Tout comme leurs racines
Resteront soudées les unes aux autres
Bien en dessous de la terre
Invisibles aux yeux du passant
Qui ne verra qu’une barrière
Séparant deux édens semblant contrastés
Dans leurs manières d’être au monde

Chéris ton jardin
Arrose-le chaque instant
Comme tu peux arroser les fleurs d’à coté
Sans les jalouser aussi belles qu’elles soient
Sans te priver ni de l’eau
Ni de l’amour dont tu as besoin
Pour vivre et faire grandir
Pleines de vie
Toutes les graines uniques
Que tu continueras de faire germer
Dans le terreau de ton être

Le passant n’aura qu’à passer
Le passant n’aura qu’à penser
Ce qu’il veut
Ce qu’il veut croire
Tu as le devoir de croître

Tu peux resplendir

L’issue

J’ai guéri mes maux en devenant guerrière
Aguerri mes failles pour ne plus être malade
Voulu déposer les armes mais dans un cœur sans pierres
Le moindre coup d’épée provoque la cascade

Je suis devenue fragile en effleurant la sève de l’arbre
Frissonnante au son des feuilles craquantes sous mes pieds
Lumineuse face à la splendeur du candélabre
Si débordante que d’un rien j’en étais éméchée

Éprouvant chaque seconde comme plaisir et labeur
Et cadeau que je m’empressais lors d’ouvrir
En déchirant son papier trop tôt avant l’heure
J’ai troqué le marbre pour rester de cire

J’ai consumé les grandes joies et les petits chagrins
Comme on avale l’eau de la soif
Repoussé les douleurs toujours au lendemain
Comme on s’éloigne à la vue de l’épitaphe

J’ai retroussé mes manches pour user de mes paumes
Ravalé les angoisses en effleurant les roquettes
Et planquée dans l’abri, gribouillé tous mes psaumes
Sur des cahiers sans fin pour retranscrire ma tête

Comment vivre alors en étant si perméable
À ces banalités synonymes d’intense ?
Aurais t-il manqué dans la poche du cartable
Un manuel à ce genre d’existence ?

J’ai tracé des lignes, lettres et croquis
Tracé ma route quand ma tête craquait
Croqué la vie et son goût bien exquis
Enchaînant les trains rapides et les quais

Trouvé refuge dans des terres en détresse
Et prise de peur dans des doux paradis
J’ai préféré fuir les zones de stress
Si paisibles, je ne possédais pas les outils

J’ai serré dans mes bras les êtres les plus chers
En m’enfuyant loin au ressenti de l’amour
Et seule alors j’ai quémandé une voix familière
Autant que j’ai souhaité les oreilles d’un sourd

J’ai aimé comme jamais on ne puisse comprendre
L’ampleur, à vouloir offrir tout le ciel et le monde
Et le corps et le cœur comme un bijou à prendre
J’ai aimé oui, même de mon âme vagabonde

Joué des heures avec des bambins rieurs
Que le temps fige dans des instants de joie
Car il n’y a rien de plus doux que ce simple bonheur
De redevenir l’enfant plus simple qu’autrefois

À la nuit tombée j’ai ressenti le désir
Des visages éphémères en beauté citadine
Des comptoirs poussiéreux pour trinquer en rire
Aux drames planétaires et à cette vie anodine

Et au petit matin j’ai souhaité me morfondre
En Morphée, j’ai morflé, voulant rester au lit
Crachant sur ce monde et ce corps qui s’effondrent
À défaut d’en partir je me suis juste rendormie

J’ai côtoyé la misère autant que la luxure
Les bas-fonds en guerre et les palaces cinq étoiles
Et s’il y a bien une chose dont je peux être sure
C’est que partout l’amour est vital

Je me suis contredite jusqu’à m’épuiser
Certaine de n’avoir finalement aucune certitude
Et pleine d’assurance je me suis mise à douter
De mes capacités à me mettre à l’étude

J’ai trouvé l’équilibre comme j’ai semé des tempêtes
Aimé renverser certains codes établis
Foutu des coups de pieds dans des choses bien trop faites
Aimé frôler, questionner le délit

Et sans prendre la fuite je me suis allongée
Regardé les cieux et son infinie sphère
Consciente d’une respiration essoufflée
J’ai fermé les yeux et puis j’ai laissé faire

Rêvant de ces corps et ces peaux savoureuses
Dans lesquels j’étais partie m’enfouir
Mais bien souvent rapidement amoureuse
D’amours que je n’aurais su construire

Je me suis enfuie sauvage à gravir la montagne
Pour trouver refuge sur des terres paisibles
Comblée par mon moi, ma meilleure compagne
Un sentiment d’accompli indicible

Que faire alors de cette suite d’expériences
Dont aujourd’hui j’en extrait le nectar ?
Car ce n’est pas la somme qui fait la connaissance
Mais le fruit récolté de tout ce drôle de traquenard

L’initiation

Envolés les amours d’enfance
et les erreurs de jeunesse
le monde résonne
il fait trop de bruit
il dévore déjà les futurs candidats
du haut de leur un mètre et des poussières et même pas
il s’infiltre dans leurs pensées
tel un ogre affamé qui crie
« viens vers moi au péril de ta vie
quitte les parties de cache-cache
dans la terre sèche et ses soleils couchants
tout est de l’autre côté, il n’y a rien ici
tu le sais bien tu vis dans la misère »
et alors la terre fertile tant aimée
devient territoire à délaisser
et les buildings fatigués
soleils à conquérir
espoirs de l’inconnu qui bien sûr
sera meilleur qu’ici
le monde d’en haut le déclame
avec ses images et ses discours
ici c’est nul

Envolées les tresses pleines de poussières
qui aiment jouer dans le vent des sables
envolés les chagrins tempêtes et les sourires canicules
les gosses ne font plus hordes
et s’engouffrant dans un monde tant espéré
hors de celui qui ne sera plus
ils se disloquent à travers les chemins
et deviennent forts comme des lions
trop soudainement adultes
trop soudainement aguerris
trop soudainement trop endurcis

Envolés les imaginaires d’insouciance
et la famille proche, le village
envolés les visages bâtisseurs
les regards enveloppants
les voix rassurantes
d’une destinée hasardeuse
lorsque la solitude s’immisce dans la traversée
et qu’avant de profiter de ce monde
il faut d’abord l’affronter

Grande ouverte est la gueule de l’ogre
mais qui pour savoir qu’il aurait
tant d’immenses dents acérées ?

Envolée l’aube de la vie
et puisque tout n’est qu’initiation
place au jour qui s’annonce
et au passage vers ce monde nouveau
sous le signe d’un rite épineux

Peinture : Jeanne Chemin

Kaboul

Les visages chutant des oiseaux de fer
remplis des corps apeurés de Kaboul


Quel dieu pour offrir une montgolfière
lorsque le pays coule ?


Les paumes s’accrochant aux ailes
mais les humains ne sont pas oiseaux


Il y a comme une goutte de sang dans le ciel