Nous n’avons pas assez
Embrassé l’arbre
Et l’arbre s’est embrasé
Ce matin
Ils ont proclamé
L’autodafé du plus beau des ouvrages
La terre
De la plus belle des créations
La vie
Et sont partis en courant
Se cacher dans leur pièce calfeutrée
Riant de leurs actes téméraires
Trinquant tous ensemble
En posant leurs verres d’armagnac
Sur leurs tables basses :
Des extincteurs
Et dans le grand Nord alors
Ils ont enfermé des graines
Dans un bunker
Ils se sont appropriés la vie
Sans même la semer
Ils n’ont fait germer
Aucune graine
Se vantant de leur réussite
Puis ont vaporisé de glyphosate
Les terres fertiles
Du Massif central
Prétendant que ces terres fertiles
Et empoisonnées
Pourraient alors maintenir davantage
De corps en vie
Eux qui craignaient tant leur propre mort
Au point de s’approprier La vie
Et de l’enfermer
Dans un bunker
Sur les glaces stériles du Nord
Le monde déraille
Car c’est l’arbre qui a crée le livre
Ce n’est pas le livre
Qui a crée l’arbre
Ce n’est pas le mot
Qui a crée le monde
Ni la lettre
Qui a crée l’image
Le mot est une porte d’accès
Au monde
À la vie
Et l’arbre
Est la vie
Il n’a pas besoin de mots
Il n’a besoin
Que de vivre
Le livre n’est rien
Face à l’arbre
Le livre n’est rien
Sans l’arbre
Et nous pourrions écrire
Des ouvrages infinis
De mille pages encore
Concernant l’acte de destruction
De la vie sur Terre
S’incendier de colère
Dans la une des journaux
La seule réponse qui aurait du sens
Ne serait pas une page vierge
Vêtue de mots inflammables
Non
Mais une page vierge
Nue et en flammes
Symbole
De notre impuissance
Et de notre soutien
À l’arbre en feu
Et l’écorce
Voyageurs, voyageuses
En posant vos pieds
En lieu inconnu
Comme de tout être alors
Vous interrogerez le mot
De toute terre
Interrogez l’écho
Elle a beaucoup de choses à vous dire
Sur ses pelures
J’en suis sûre
Le désert étouffant
A envahi le pâturage
Dans les steppes mongoles
L’équilibre se met à tanguer
Tel l’homme ivre
Sur ses grande échasses
Qui ne les maîtrise plus
Voyageurs, voyageuses
Interrogez le désert
Interrogez le pâturage
Et l’échassier qui migre
Plus loin encore.
Interrogez les proies
Elles auront beaucoup de choses à vous dire
Sur le chasseur
J’en suis sûre
Voyagez encore
Et interrogez toujours
Et si vous n’avez pas la réponse
Interrogez encore
Poursuivez votre voyage
N’entoure plus le fruit
L’arbre s’est embrasé
Car nous ne l’avons pas assez
Embrassé
Faisons corps avec ses racines
Écoutons le chant de son feuillage
Débranchons pour accueillir
Les cris de ses branches
Dans nos bras
Dans nos cœurs
Avant qu’il ne s’enflamme,
Avant qu’il ne décide
Davantage encore
Écorcé vif
De nous embraser